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24 May

Les Anciens de la Vieille Ecole...

Publié par Tchema  - Catégories :  #Emotion

  armor1 Les vieilles pierres, les vraies, celles qui ont gardé à travers les siècles la fierté de n'être que taillées pour affronter le temps, celles qui ont usé l'homme avant de céder à son désir de témoigner de l'histoire, ces empillements savants pointant un doigt accusateur vers les cieux menaçants, ajoutent aux souvenirs les décors des époques, des saisons, des instants.

 

   Aujourd'hui, on restaure pour conserver et surtout mettre en valeur ce que nous ne serions pas en mesure de refaire à l'identique.  A l'instar de ce vieux village, les traits remarquables des maisons, des ruelles qui entourent la vieille école rendent presque charmants ces dédales ensoleillés pendant la fête de Pentecôte. 

  

   Pourtant, elles étaient bien sombres et souvent ruisselantes de pluie dans les yeux pleins de larmes du garçonnet fragile arrivant d'Algérie.  Plus de cinquante ans après, il franchit une dernière fois, le lourd portail, passe devant la statue du Père fondateur, rejoindre pour quelques heures encore, les lieux de son enfance de rigueurs.

  

   armor2Il traverse les longs couloirs froids, se laissant envahir par le souvenir du brouhaha sourd des élèves regagnant les classes. Curieusement, il se dirige sans hésitation, reconnaissant le chemin que tant d'années auraient pu effacer.   Derrière cette imposante porte, la salle des Illustres où l'assemblée prononçait les palmarès mais aussi les sentences. Là, sous les bustes poussiéreux, les élèves parfaitement alignés, immobiles et silencieux, attendaient le verdict des censeurs redoutables... Puis, selon qu'ils méritaient couronnes ou "pendaison", ils rejoignaient la famille et la liberté ou le fond de la cour boisée pour y cacher leurs larmes de tristesse, de colère et de mépris.

   Ce dimanche dernier, le vieil homme assis sur un fauteuil roulant, traversait poussé par une bonne âme, cette salle où il oeuvrait jadis comme tribun puissant. L'obstacle d'une haute marche demandait de l'aide pour soulever le lourd fauteuil. L'élève de soixante ans vint ostensiblement au devant du vieillard souffrant, il fixa ses yeux dans le regard sénile et lui tournant le dos, s'éloigna lentement.

 

   La chapelle désanctifiée pour les besoins du tourisme semble bien vide de tous les états d'âmes, les enfants y pleuraient ici aussi, souvent de chagrins, de froid, d'émotion quelques fois quand l'orgue entamait les classiques sacrées. Les quintes de toux cessaient lorsque les voix claires de la chorale unissaient chaque élève d'une belle fraternité. 

 

 

   armor1Aux chapitres avancés de la vie, on a plus souvent recours à la mémoire, aux souvenirs gardés dans la boite à merveilles, mais qui pâlissent bien vite dès qu'on les commémore. 

   Les us et coutumes servent de prétextes aux regroupement de ceux "qui-y-étaient", en ayant bien soin de faire régner une hiérarchie attribuant à l'âge le mérite d'une probable sagesse, sur les plus jeunes que la fraîcheur encore visible, rend presque effrontés.

   A l'occasion toutefois, la curiosité partagée entre savoir ce qu'ils sont devenus et ressentir diverses émotions dans les lieux de l'histoire, notre histoire, il se peut que l'on cède au brusque retour du temps. Ce temps que curieusement l'on imaginait figé par notre propre destinée.

   C'est alors que les détails reviennent sur le souvenir et complètent le tableau des instants oubliés. Odeurs, couleurs et sons, réapparaîssent dans les scènes rétros d'un festival de vieilles bobines...

   On se rencontre, se reconnaît comme acteur probable d'une partie de la vie et le dialogue s'instaure à coup de : Te souviens-tu de...  Je me souviens de ...  Quelques fois même, les difficultés de l'identification réservent de douloureuses bévues : - Je me souviens de ton visage et de ton nom... - Il ne s'agit pas de moi, mais de mon frère qui me parlait effectivement souvent de toi.... -Ah, que devient-il ? ... - Il nous a quitté à la fin de l'année dernière !

armor2Et nous voilà rendu au terme du vieux rêve, celui de revivre une dernière fois, une dernière fois seulement, les moments d'une enfance qui ne fut pas heureuse. Un peu pour se convaincre de n'avoir pas menti, un peu pour être en joie de s'en être sorti. Ces cicatrices là, grâce à Dieu, resteront invisibles... Ultreïa ! 

(Tchema Mai 2010) Un diaporama est visible sur la colonne de droite de ce blog.

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T
<br /> NO COMMENT.... Mais mes larmes me prouvent que j'ai bel et bien TOUT ressenti au travers de "ton écrit"......<br /> Mille millions de très tendres bisoudoux "chaleureux" Vaillant Pèlerin!!!!!!!!<br /> ***Tity***<br /> <br /> <br />
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O
<br /> Bonsoir Tchema .<br /> Maintes fois tu nous as confies des souvenirs de cette triste periode , que tu sembles vouloir oublier a present .<br /> The boarding School n' a jamais ete de bien agreables souvenirs pour les petites filles et les petits garcon , mais j' aimerai bien malgres tout connaitre ces lieux pour partager ces moments et t'<br /> aider a oublier .<br /> Bonne semaine Tchema , je t' embrasse .( Comment se fait-il que je ne puisse pas mettre les accents ..as-tu changer ton seting )<br /> Nicole .<br /> <br /> <br />
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T
<br /> <br /> Désolé de n'avoir effectivement pas beaucoup de sujet d'expression en ce moment. Hélas, personne ne pourra me (nous) faire oublier ce qui restera notre passé. L'album qui est diffusé<br /> dans la colonne de droite sera complété prochainement de bien plus de photos sur cette école.<br /> <br /> <br /> Mes articles tentent moins de faire pleurer que de démontrer la part d'humanité, de sensibilité qu'à cette époque on croyait les enfants dépourvus. Ceux-ci (je ne suis pas le seul), se<br /> libèrent un peu aujourd'hui d'un fardeau trop longtemps contenu. Pas de lamentations sur ce témoignage, simplement la reconnaissance d'une histoire sous un ciel trop longtemps resté<br /> gris.  <br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Comme toujours sur tes récits, j'ai franchi la grande porte totalement prise par l'histoire de ton enfance. Un week-end chargé en émotions diverses pour toi.<br /> Comme René j'ai parcouru les allées de ce magnifique parc donnant la main à ce petit garçon que tu étais redevenu pour quelques heures, un peu pour le rassurer qu'il ne faisait que passer et<br /> qu'après ce tour des murs rafraîchis, de ces salles dépoussiérées, de ces chambres étroites et austères et des retrouvailles angoissantes des anciens copains, ont sortiraient d'un pas léger de cet<br /> endroit lourd de tristesse. Et je l'emmènerai rire et manger une énorme glace.... ailleurs, loin, pour qu'il essaie d'oublier pour un moment, la douleur des mauvais souvenirs qui restent ancrés<br /> dans son coeur. Je préfère m'imaginer un souvenir de cris d'enfants du village jouant autour de cette jolie fontaine, vue sur le diaporama... Je te souhaite un bon week-end Tchéma, un plein de joie<br /> et de bonheur. Bisous de ton amie La Cigale<br /> <br /> <br />
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R
<br /> Bonjour Cher Ami. Merci pour cette émotion qui court tout au long de ces lignes magnifiquement écrites. J'ai entendu les pas résonner dans la chapelle et les vieilles pierres n'ont perdu aucun des<br /> mots entendus et répétés mille fois. Le temps a passé certes, mais pas une syllabe ne s'est égarée, pas un souvenir ne s'est émoussé sinon celui des visages qui, on le comprend très bien, ne<br /> peuvent être reconstitués à l'identique. Si les "vieilles pierres ont résisté à l'assaut du temps, nos traits, eux, n'ont pu échapper aux ans qui prennent un malin plaisir à s'inscrire en lettres<br /> géantes sur le fronton de notre personnage. Merci encore pour ce retour en ces murs qui semblent se pencher sur un passé qu'ils voudraient encore présent. Je reviendrai me promener dans le parc,<br /> suivre les rues et m'arrêter sur une vielle façade pour en déchiffrer l'histoire. A bientôt Cher ami, avec ma bien sincère amitié.<br /> <br /> <br />
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