Le Chemin des Ruines (suite et fin)
Quelques fois, le samedi soir, alors que la place du Cap Matifou s'illuminait de guirlandes multicolores, il apercevait devant le restaurant du Père Martin, la cahute de bois du vendeur de frites. Avec deux pièces de monnaie bien serrées dans la poche, il plongeait alors pour traverser à la nage, les sept à huit cents mètres qui le séparaient du petit port de pêche. Autodidacte en la matière, le garçon avait depuis tout petit, échangé son style contre l'efficacité. Ce qui lui permettait de faire de bonnes distances, encouragé sourtout par la gourmandise.
Arrivé sur les blocs serrés de la jetée, il s'offrait un gros cornet de frites croustillantes savoureuses et chaudes. En les dégustant, il s'approchait du soldat de garde près des vedettes et des vieilles péniches de débarquement. L'école militaire de marine s'évertuait à conserver ces reliques qui ne servaient désormais qu'aux plaisirs de pêche des officiers supérieurs.
Le matelot tout de blanc vêtu, bien campé sur ses deux jambes écartées semblait tout heureux d'avoir une petite visite pendant sa longue et ennuyeuse faction.
- J'ai un soldat de plomb comme toi dans ma boite. dit l'enfant au jeune conscrit. Il a le même fusil. Sa passion pour les armes lui permettait de connaître parfaitement les caractéristiques de celle que tenait le militaire. Surprit par le gamin, il réctifia sa position afin de retrouver un peu de contenance. L'enfant sourit, fit un salut règlementaire à l'homme et se dirigea vers les rochers.
Il retournait à l'eau entre les bateaux amarrés, pour filer, moitié brasse, moitié crawl vers la plage et la villa, heureux d'un plaisir gagné tout seul. Hélas, il ne pouvait imaginer en parler à quelqu'un, une condamnation immédiate aurait blessé son orgueil en provoquant une peur rétroactive. Non ! Son secret serait bien gardé, rangé dans un coin de ses souvenirs, juste à coté de l'odeur des frites et du soldat de plomb.
En atteignant la berge, il reprit son souffle assis. Le calme permettait à la mer de faire avec la plage quelques pas de danse au rythme chuchoté par le sable. Une danse qui semblait être connue des crabes, des loups chasseurs et des bandes de mulets dont les sauts étaient toujours aussi imprévisibles. La lumière de la villa, derrière lui, projetait dans la houle du bord de mer, une slhouette brillante aux mouvements de flamenco.
Un petit coup de cloche, le signal. La permission était terminée. Il fallait dormir cette fois-ci. Le gamin frottait le fond du short "boxer" en Nylon et remontait doucement le Chemin des Ruines... FIN
ãTchema 1999