La vieille boutique.
Devant les volets baissés de la vieille boutique, non loin de l'entrée principale de l'école (Ecole de Sorèze, voir album de photos), le vieux petit garçon, laissa envahir sa mémoire d'un doux souvenir.
Elle n'a jamais autant brillé sous le soleil. Toujours et à jamais gravée, mouillée de la pluie glacée de l'hiver ou tout au moins dans la grisaille humide du Lauraguais, sa vitrine lumineuse sur laquelle s'écrasaient les petits nez , offrait à chacun des élèves, quelques minutes de rêve. Y trônaient les jouets les plus merveilleux... Cette moto rouge à friction juste devant, et là toute la série des cyclistes du Tour de France. Sur leurs boites jaunes, les derniers modèles de voitures Dinky Toys avec des pneus en caoutchouc. Quelques soldats de plomb suivant leur porte-drapeau et ici l'objet de toute ma convoitise, ce petit canon fidèlement reproduit.
Ah qu'il était beau ce canon, avec son double affût, levant sa bouche prête à hurler. Je m'étais bien sûr enhardi en poussant la porte sur un tintement de grelots, la vieille dame m'avait donné le prix du jouet, d'un air sans doute fatiguée de le répéter tant l'objet avait d'admirateurs... La petite fortune pour les enfants que nous étions faisait monter la fièvre de posséder cet engin de puissance, même si ce n'était que son modèle réduit.
Pendant combien de nuit, ce jouet a-t-il fait partie de mes rêves ? Ce dont je me souviens, c'est qu'il fallut me défaire d'un de mes timbres les plus beaux d'Algérie, son emplacement est resté longtemps vide dans mon classeur. Mais il m'a procuré les quelques derniers sous manquants.
Tout fier, un jeudi après-midi au retour de la promenade sur les bords du Lac de Saint Ferréol, sous les regards admiratifs de mes camarades, je rentrai dans le vieux magasin, faisant sonner dans ma tête un milier de grelots et posai sur le comptoir un bon poids de monnaie au centime près.
La suite de cette histoire ne fut bien entendu pas aussi belle que son début, car ce que l'enfant possède ne vaut pas ce dont il rêve et c'est face à sa devanture visiblement inoccupée que la boutique raconte à ma vieille mémoire les moindres détails du souvenir d'un petit soldat qui voulait un canon. Tchema 01/2011