Isolement
La tête encore pleine des souvenirs de ces dernières vacances, je me remettai doucement des langueurs tristes de mon éloignement. Maman me manquait déjà un peu moins qu'hier, c'était la "normalité" que chaque trimestre démontrait à tous les pensionnaires.
Pourtant cette fois, quelques signes que moi seul sentais, me laissaient présager un programme redoutable. Le changement de climat du retour de mon Algérie natale au pied de la Montagne noire, provoquait radicalement sur mon organisme une réaction grippale violente dont je sentais progressivement les symptômes.
En constatant le balancement du tableau de la classe avec les difficultés d'attention en cours, je me désolai de devoir affronter une fois de plus quelques jours d'isolement que me prescrirait inévitablement "La Grosse" ; cette vieille infirmière, terreur de tous les enfants. Mais j'étais trop faible pour maintenir une opposition dissuasive et surtout efficace.
La condamnation tomba à la lecture du thermomètre et c'est titubant le long des couloirs que je montai dans les chambres de l'infirmerie de l'école.
Je me glissai entre les draps durs du lit glacé que mon état transformait en supplice et sombrais en claquant des dents dans un sommeil profond.
Ah, je ne risquais pas d'être dérangé. L'isolement interdisait toutes visites autres que celles de la bonne soeur à cornettes et elle n'avait visiblement pas que ça à faire. De plus, les prescriptions anciennes associaient volontier l'isolement à la diète, traitement soi-disant radicale contre la grippe mais pas contre l'ennui.
L'ennui, voilà la calamité tant redoutée. J'en avais une peur bleue. Tant redoutée que j'avais imaginé dans mes lubies fiévreuses, qu'au réveil, je découvrirai ma chambre doucement, secteur par secteur, avec tout le temps pour admirer chaque recoin de la partie découverte sans tenter d'enfreindre le pacte de Non-ennui.
C'est ainsi que je découvris mon bol de bouillon après avoir dormi presque deux tours du cadran. Je le bus sur le coté, ayant bien soin de ne rien explorer de plus. Je lus qu'une partie de mon livre d'histoire sachant que notre Révolution patienterait jusqu'au lendemain... Ainsi de suite, les heures, les jours passèrent. Je pus découvrir en me levant les quelques derniers métres jusqu'à la fenêtre et regagner libre, guéri et content, mes copains de classe.