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13 Jun

Le Piano

Publié par Tchema

Encombrant notre espace, imposant ta droiture, tu trônais là, mon vieil ami.

Lorsque tu jouais avec les enfants, on savait que l'écrin qui cachait les trésors blancs et noirs, procurerait un éternel émerveillement. Puis, docile, les petits doigts hésitants écorchaient encore et encore les mêmes symphonies. Comme si, à chaque fois, le pianiste en herbe sollicitait une preuve de leurs talents naissants.

Les concerts mourraient de lassitude. Tes efforts pour rendre fidèlement l'œuvre grandiose ne suffisaient pas à calmer nos oreilles de parents.

Ces parents ont vieilli, les enfants sont parents. Leurs petits contemplaient avec inquiétude ce clavier à jouer un autre air. Et quand à leur tour, les petits doigts frappaient l'ivoire ou l'ébène, Maman supportait encore moins qu'on rivalise avec le passé.

L'orage grondait depuis longtemps pour que tu nous laisses ta place. Personne ne te voulait. Trop vieux, trop lourd et sans doute d'un autre temps. Un brocanteur me suggéra de te laisser périr dans le jardin jusqu'à l'hiver prochain. Puis dès les premiers frimas, te jeter dans le feu pour réchauffer nos âmes. Las, résigné, j'avais décidé de te laisser parmi les déchets en priant qu'un mélomane te prenne avec lui.

La nouvelle circulait dans le quartier depuis quelques jours et ce matin, un jeune homme vint et apporta le bonheur : "J'ai un petit garçon qui ne rêve que d'un piano pour apprendre à jouer". Au sourire sur son visage devant l'instrument, j'ai su que tu allais commencer une nouvelle vie. Napoléon III, celui qui t'a vu naître, doit se retourner dans sa tombe. Il s'apaisera lorsque le son de ta voix montera jusqu'à lui. Adieu mon vieil ami. J'ai le cœur soulagé de te savoir entre de bonnes mains.

Le Piano
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